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Au Brésil, la Cour suprême autorise l'extradition de Cesare Battisti vers l'Italie
Rio de Janeiro Correspondant régional - Le sort de Cesare Battisti, l'ancien activiste italien d'extrême gauche sous le coup d'une peine de réclusion à perpétuité en Italie, est désormais entre les mains du président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva.
Par cinq voix contre quatre, la Cour suprême a autorisé, mercredi 18 novembre à Brasilia, l'extradition de M. Battisti vers l'Italie. Mais elle a décidé de laisser au chef de l'Etat le soin d'exécuter cette décision. Les avocats de M. Battisti, convaincus que le président Lula lui permettra de rester libre au Brésil, ont salué cette décision comme "une immense victoire".
Cesare Battisti a été condamné par contumace en Italie, en 1993, pour avoir commis ou préparé quatre homicides en 1978 et 1979 dont il s'est toujours proclamé innocent. Réfugié en 1990 en France, où il est devenu auteur de romans policiers, il s'est enfui au Brésil en 2004 pour échapper à une extradition, grâce à des faux papiers fournis, selon lui, par des agents secrets français.
Arrêté à Rio de Janeiro en mars 2007, il a été incarcéré dans une prison de Brasilia. En janvier 2009, le ministre brésilien de la justice, Tarso Genro, lui a octroyé le statut de réfugié politique, provoquant une crise diplomatique entre Rome et Brasilia. Le ministre a contredit ainsi l'avis défavorable formulé en novembre 2008 par le Comité national pour les réfugiés.
Le ministre s'est défendu d'avoir fait preuve de complaisance envers M. Battisti pour des raisons idéologiques. Il a mis en avant une jurisprudence datant de 2007, qui avait bénéficié à un ex-guérillero des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, extrême gauche). L'Italie a saisi la Cour suprême en demandant que M. Battisti soit extradé conformément au traité signé en 1989 entre les deux pays.
Après avoir suspendu deux fois ses débats, le 9 septembre et le 12 novembre, la Cour a donné son feu vert à l'extradition après avoir écouté son président, Gilmar Mendes, favorable à cette mesure.
Trente ans de prison
Faisant siens les arguments que le juge rapporteur, Cezar Peluso, avait mis en avant en septembre, le président a nié le caractère politique des "crimes de sang prémédités" imputés à M. Battisti. "Sinon, a-t-il souligné, on pourrait arriver à avoir des cas de viols, de pédophilie ou de torture traités comme des crimes politiques." La loi brésilienne interdit l'extradition d'un condamné pour raisons politiques.
La Cour n'attache à sa décision qu'une seule condition, déjà acceptée par l'Italie : la réclusion perpétuelle qui frappe M. Battisti devra être convertie en une peine de trente ans de prison, conformément à la législation brésilienne.
Ayant rendu son premier verdict, le tribunal a ensuite abordé son deuxième débat, sur une question encore plus décisive : le président Lula est-il ou non légalement contraint de suivre l'avis des juges ? Pour le président et le rapporteur de la Cour, le traité d'extradition oblige le chef de l'Etat à respecter leur décision. Faire autrement serait un "délit international ".
Pour leurs adversaires, "la procédure d'extradition commence et s'achève avec l'exécutif", "le président de la République a le dernier mot", "la décision d'extrader un étranger est de son domaine exclusif et discrétionnaire". C'est cette thèse qui l'a emporté de justesse au terme d'un vigoureux débat.
La balle est maintenant dans le camp du président Lula. Le chef de l'Etat a fait savoir à plusieurs reprises qu'il était hostile à l'extradition de M. Battisti tout en laissant entendre, il y a quelques jours, qu'il suivrait l'opinion de la Cour si celle-ci devait revêtir un caractère impératif. Puisque ce n'est pas le cas, il a toute liberté pour autoriser M. Battisti à demeurer au Brésil, au prix d'un probable regain de tension diplomatique avec l'Italie.
L'affaire pourrait connaître un nouveau rebondissement, M. Battisti étant à la merci d'un procès pour falsification de documents et usage d'un faux passeport. En cas de condamnation, il devrait purger sa peine avant d'espérer retrouver la liberté. Ne pouvant plus être, selon la Cour, considéré comme un réfugié politique, il deviendrait ensuite un étranger en quête d'un statut de résident, avant de demander la citoyenneté brésilienne.
Cesare Battisti observe depuis une semaine une grève de la faim. Il affirme qu'il "ne retournera pas vivant en Italie". Son avocat, Luis Roberto Barroso, se dit convaincu que le président Lula "sera cohérent" avec "la décision de son ministre de la justice, avec le système de protection des droits humains et avec l'histoire de sa propre vie".
Jean-Pierre Langellier
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