• Il n’y a pas une crise des valeurs au Sénégal

    artager

     

    Cette assertion risque d’en surprendre plus d’un : il n’y a pas du tout une crise des valeurs de la société sénégalaise.

    Depuis un bon moment, on ne compte plus dans la sphère médiatique le nombre d’articles, d’émissions, de reportages, etc. traitant de faits de société tels le viol, la prostitution, l’homosexualité, le meurtre, la pédophilie et j’en passe. Ces « attitudes » ou plutôt ces faits rangés habituellement dans le registre du divers se retrouvent pourtant, selon l’essentiel de l’analyse journalistique, bâtis sur un seul et même socle ; celui d’une crise supposée des « valeurs ». Argument que je récuse sans manquer de proposer une alternative  analytique. Pour mieux appréhender la subtilité de ce débat, il est nécessaire de revenir sur la définition même de ses concepts centraux.

    Comme le notaient déjà des sociologues américains (W. I. Thomas et F. Znaniecki), on pourrait entendre par « valeurs » l’ensemble des « éléments culturels objectifs de la vie sociale et par attitudes les caractéristiques subjectives des individus » d’un groupe social donné.

    Il est donc clair, toujours selon mon analyse, que ces « valeurs » typiquement sénégalaises que sont le jom, le ngor, le kersa, le suturë, le fullë… gardent leur signification intacte et occupent encore dans notre vie de tous les jours, la même place qu’il y a un, deux ou trois siècles. En effet, ces valeurs existent toujours – comme jadis – et se trouvent actuellement plus que renforcées, ne serait-ce que dans les discours, du fait de l’altérité résultant directement de l’ouverture réelle ou virtuelle des frontières géographiques (et surtout culturelles). C’est ainsi que l’étranger (ñak, tubaab, etc.) fait figure de bouc émissaire en tant qu’élément intrus pervertisseur.

    Ce que l’on peut constater, et qui est à l’origine de ces confusions de sens, ce n’est pas tant une crise des « valeurs » qu’une floraison de « nouvelles attitudes » qui n’épousent pas le moule de nos « valeurs ». Et ce qui est nouveau à ce propos, ce ne sont pas ces attitudes elles-mêmes mais plus la « surmédiatisation » récente qui les expose dans l’espace public de la concurrence vorace des groupes de presses animés par une surenchère des scandales : repérer un fait individuel isolé, le généraliser, lui consacrer un article en veillant bien de trouver un titre accrocheur. Telle est la logique prédominante du marché de la presse sénégalaise animé par des acteurs qui, pour une grande partie, sont plus obnubilés par le chiffre d’affaire et l’audimat que par la vocation d’informer.

    En même temps, si nos valeurs étaient réellement en crise, comment expliquer le fait que ces attitudes jusque-là invisibles suscitent une opposition ferme, une dénonciation souvent violente et une colère sociale viscérale ? C’est bien là le signe que la société sénégalaise reste toujours sénégalaise, brandissant à toutes les occasions ses valeurs comme bouclier face à la menace de l’inconnu culturel.

    Cette erreur d’analyse de la part des médias pourrait aussi résulter de l’amalgame que l’on fait habituellement entre valeurs, tradition, coutumes, etc.

    On pourrait aussi voir dans la prétendue crise des valeurs décrétée par les médias, un conflit de générations opposant d’un côté « les entrepreneurs de morale » dont l’archétype est l’imam, et de l’autre une jeunesse qui maîtrise et consomme (du moins pour la plupart) les canaux de diffusion (NTIC) de ces attitudes dites “nouvelles“ et “étrangères“.

    Il n’y a donc nullement une crise des valeurs sénégalaises, mais comme il en a toujours été,  l’avènement d’une nouvelle génération de sénégalais qui marque son empreinte par l’adoption, l’importation, l’adaptation et la recomposition d’attitudes qui ont du mal à intégrer l’existant (les valeurs).

    Ce qu’il faut toutefois reconnaître, c’est que c’est attitudes (nouvelles, importées…) ont la capacité à chaque fois, non pas de pervertir le groupe ou d’ébranler les valeurs, mais seulement de déplacer le seuil de tolérance sociale. Ce qui est tout à fait normal dans un contexte mondialisation des économies et des cultures, boostée par les technologies nouvelles.

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