Serigne Mamour Diakhaté qui d'habitude dirigeait la prière raconte que ce matin-là, Seydina Issa l'avait devancé dans la mosquée et se tenant à la place de l'imâm, il dirigea la prière qu'ils faisaient ensemble. Après cette prière, Seydina Issa s'était évanoui.
Serigne Mamour le laissa là, dans la mosquée. C'est, un moment après qu'arriva l'émissaire Massaër venu lui annoncer la rappel à Dieu de son père. Lorsqu'il reprit ses esprits, il dialogua avec Massaër, et après l'échange de propos déjà mentionné ci-dessus, il ajouta :"va, je viendrai, mais prenez garde, qu'on n'enterre pas mon père avant mon arrivée".
Le Saint Maître Limamou Lahi venait de rendre l'âme, ce vendredi 2 Novembre 1909.
La stupeur et la frayeur frappèrent alors les esprits. La nouvelle se répandit vite. La communauté layène cruellement endeuillée attendit le retour de Seydina Issa qui tarda à arriver à Yoff. Son jeune frère Mandione Lahi s'opposa fermement à ce qu'on enterrât son père en l'absence de Seydina Issa. Revenu à Yoff, Massaër le messager qui était allé à Ngâkham annoncer la nouvelle, laissa entendre que Seydina Issa allait arriver incessamment. On dépêcha à la gare de Yarâkhe (Hann), Mâli Mbaye, célèbre compositeur de merveilleux poèmes religieux, pour l'accueillir. Seydina Issa ne vint ni par le train de vendredi, ni par celui de Samedi.
Mâli Mbaye retourna à la gare le dimanche et trouva dans l'environnement immédiat une animation inhabituelle due à la présence de prêtres, de soeurs catholiques et de leurs élèves, tous vêtus de blanc. Selon l'explication qu'on lui fournit sur leur présence, tout ce monde s'attendait à la descente de Jésus-Christ en ce lieu.
Coïncidence ou pas c'est par le train de ce Dimanche qu'arriva, celui qui était devenu pleinement, depuis quelques jours, Seydina Issa Rouhou Lahi, accompagné de Serigne Mamour Diakhaté, Massamba Ndiaye, Libasse Mboup et de Yoro Ndéla, ce dernier ayant pris le train à Rufisque. Cheikh Abdoulaye Gueye fit le déplacement de Dakar à Yarâkhe pour se joindre à eux. Après les salutations d'usage, Seydina Issa s'éloigna un peu avec Mâli Mbaye et le questionna :"où est mon père, l'a-t-on enterré ?" Non répondit Mâli Mbaye, nul n'ose l'enterrer avant ton retour. "Que disent les gens ?" reprit Issa. "Les notables disent que si Issa veut bien on ira enterrer Limamou à Cambérène, puisque les habitants de Yoff, son village natal ont rejeté son message".
Non ! répliqua Seydina Issa :"on enterre toujours un prophète à l'endroit où il est mort, c'est la chance des habitants de ces lieux. Or mon père est un Envoyé de Dieu et moi Issa je suis aussi un Envoyé de Dieu". Il demanda aussi ce que sont venus faire les blancs à Yarâkhe. Ils attendent parait-il Issa ibn Mariama (nom musulman de Jésus) répondit Mâli Mbaye.
Seydina Issa monta sur le cheval Mânatou, que Mâli Mbaye lui avait apporté, quitta Yarâkhe avec ses compagnons et arriva à Yoff après la prière du crépuscule. Lundi matin, il présida la prière mortuaire en présence d'une foule nombreuse, puis le Saint Maître de l'époque Seydina Limamou, le Mahdi fut enterré à Diamalaye, endroit situé au bord de la mer, à une dizaine de mètres du rivage, là où il aimait s'isoler pour prier et méditer.
Quelques jours avant son rappel à Dieu, de passage en ce lieu, il avait dégagé le sable, d'un geste de pied, et de l'eau apparut dans le trou. On creusera après un puits sur ce point d'eau, puits peu profond situé juste en face de son mausolée. Son eau demeure jusqu'à nos jours, douce et inépuisable.
Après l'enterrement du Saint Maître, le cortège funèbre revint à la maison et s'installa dans la cour. Le grand Saint Ibrahima Mbengue, (celui là même qui fit apprendre à Seydina Issa les syllabes coraniques), prit la parole pour mettre en garde les dignitaires, leur conseillant d'avoir beaucoup de respect et considération à l'égard de Seydina Issa malgré son jeune âge. Il était alors âgé que de trente-trois ans, âge que son père avait lorsqu'il naquit.
Prenant la parole à son tour, Seydina Issa fit un sermon émouvant. Rappelant la présence éternelle de Dieu, il renouvela les exhortations habituelles de son père, invitant les fidèles à servir Dieu avec constance et sincérité, à s'adonner à des oeuvres pieuses et à éviter le mal.
Les esprits s'apaisèrent alors, chacun voyant en lui un nouveau Limamou. Aussi le poète Libasse Niang lui dira-t-il
"Fekkoon nga mboolem gëm yi jooy ba jéex Sa taxawaay tax na ba seeni xol fééx"
"Tous les fidèles avaient pleuré jusqu'à l'épuisement Grâce à ta présence leur cour revint à l'apaisement."
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